Ma collection au MAMCO

    Claude Rutault
    3 oeuvres

    - "Toile à l'unité". Définition/méthode n°1 : une toile tendue sur chassis peinte de la même couleur que le mur sur lequel elle est accrochée. Sont utilisables tous les formats standards disponibles dans le commerce qu'ils soient rectangulaires, carrés, ronds ou ovales. L'accrochage est traditionnel.

    - "Interchangeable généralisé". Définition/méthode n°49 : un nombre x de toiles choisies parmi les formats standards, réparties entre un nombre x de personnes privées ou publiques. Une toile par personne, chaque toile étant peinte de la même couleur que le mur sur lequel elle est accrochée.

    - "Peinture-suicide n°2". Définition/méthode n° 84 : La première année (1978) le travail est un carré de 100 x 100 cm. Chaque année suivante il est divisé par deux jusqu'à atteindre la 11 ème année un carré de 3,12 x 3,12 cm. Seul le support de l'année constitue le travail. L'ancien est détruit à la construction du nouveau. Le travail est figé dans les deux cas : soit par l'achat du travail, soit par la mort de l'artiste. Dans les deux cas le travail prend la forme, d'une façon définitive, qu'il a cette année là. Si aucun des deux événements ne s'est produit au bout de ces onze années, le travail disparait définitivement la 12ème. Le travail n'est pas obligatoirement exposé publiquement chaque année mais il est immédiatement disponible à n'importe quel moment de chaque année. A chaque phase, le support, indifférent et variable est peint de la même couleur que le mur sur lequel il est accroché. Le prix du travail double chaque année.

    Une toile peinte de la même couleur que le mur sur lequel elle est accrochée, constitue une réalité immédiatement perceptible pour ce qu'elle est. Ce n'est rien d'autre que de la peinture sur une toile : pas de forme reconnaissable, pas de figure, pas de repère fixe, pas de signe identifiable. Cette oeuvre visible instantanément joue pourtant également sur le temps et l'espace.
    En effet nous avons affaire à des oeuvres dont l'aspect est à durée limitée. A chaque changement de mur (ou de la couleur) il faut repeindre la toile. Le temps ici, n'est donc plus subi, il est actif. Plus de problèmes de vieillissement, de restauration : un coup de peinture équivaut à un coup de jeunesse. (plus de problèmes non plus d'assurance ou de transports !! c'est l'anti Joconde !!).

    A chaque oeuvre correspond une définition et une méthode qui offrent une ou plusieurs possibilités de réalisation, un nombre indéterminé d'actualisation qui sont liées à des paramètres (lieu, temps) souvent indépendants de l'artiste puiqu'ils sont choisis par le collectionneur. Ces oeuvres sont donc définies momentanément par rapport à un temps et à un lieu précis mais peuvent varier d'une réalisation à une autre, sans que le format, la couleur, le lieu, l'accrochage ou le support ne changent la nature fondamentale du travail.

    Avec Claude Rutault nous assistons donc à un saut au de-là du tableau, au de-là de l'objet fini. Il n'y a pas de recherche d'originalité, pas d'invention, pas de recherches de matériaux nouveaux, pas de maniérisme de l'accrochage. C'est le paradoxe de la dépendance et de l'indépendance, de la ressemblance maximale et de la différence irréductible du mur et de la toile.

    "Toile à l'unité" et "Interchangeable généralisé" bien qu'elles constituent deux oeuvres différentes sont présentées dans ma collection au MAMCO sous la forme d'une seule et même toile. Je n'ai pas voulu faire preuve d'originalité (respectant par là l'esprit de l'artiste) mes murs étant blancs la toile est blanche et son format est des plus standards :
    1 x 1m. J'insiste sur cette simplicité de présentation car il est intéressant de constater combien elle est inversement proportionnelle à la richesse du propos mis en place par l'artiste.

    "Toile à l'unité" est la première oeuvre de Claude Rutault. Elle est donc générique de tout ce qu'il produira par la suite.

    "Interchangeable généralisé" a été présentée à mon initiative lors de l'exposition de Claude Rutault à l'ARC en Mars 1983. L'artiste avait demandé à différentes personnalités du milieu de l'art de choisir une définition/méthode et de l'actualiser à cette occasion. Je souhaitais obliger l'acrochage institutionnel à se propulser hors de ses murs, c'est pourquoi j'ai choisi d'y présenter "interchangeable généralisé. J'ai sollicité tous les participants de l'exposition de l'ARC pour qu'ils contribuent à la présentation de cette oeuvre en plaçant chacun chez eux une toile peinte de la même couleur que son mur

    Pour voir toute l'exposition de Claude Rutault, annoncée dans le musée, les visiteurs devaient donc se déplacer dans toutes les salles et ensuite prendre rendez-vous avec chacun des participants pour voir la toile qu'ils avaient installé chez eux dans le cadre de ma présentation d'"interchangeable généralisé". Ma toile - elle - se trouvait à l'ARC pour ma participation à l'exposition.

    La "peinture-suicide" avait pour première dimension en 1978 : 1 x 1 m (justement la dimension de la toile précédemment décrite et exposée chez moi : "Toile à l'unité" + "Interchangeable généralisé"). La dernière année de sa présentation, elle subissait une année noire puisque personne ne l'ayant acquise elle était menacée de disparaitre à la fin de l'année : sa couleur était noire. Je l'ai sauvée en l'achetant le dernier jour et ai changé sa couleur en rose puisque la vie redevenait rose pour elle. Enfin l'année suivante, son existence redevenant normale, je décidai de la repeindre en blanc pour qu'elle s'accorde à l'esprit du Mamco où elle est exposée depuis 1994.

Si vous voulez en savoir plus sur l'oeuvre de Claude Rutault, vous pouvez lire mon article paru dans art press (juillet 1997)

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