Sol LeWitt
Dans ses "structures" (terme que préfère utiliser l'artiste pour définir ses sculptures) Sol LeWitt a choisi le cube comme élément de base; il le met en jeu dans toutes sortes de combinaisons des plus simples aux plus complexes : progression, permutation ou inversion lui permettant ainsi de s'approprier la notion de logique rationnelle. Son monde créatif s'établit à partir d'un réseau de carrés ou cubes qui lui semblent présenter le plus de développements potentiels. Les "Incomplete Open Cubes" existent, chacun, en tant qu'élément singulier d'un ensemble de variations : ils sont constitués d'entités qui sont à considérer chacune en relation avec toutes les autres possibilités de cubes incomplets (il y en a 122 ) . Les "Incomplete open cubes" de Sol LeWitt, dans le fait de les relier mentalement toutes entre elles, redéfinissent notre expérience de la sculpture, conduisent le regard au-delà du domaine purement visuel et nous obligent à une exploration mentale au de là de l'oeuvre/objet. C'est là que réside le plaisir que l'on éprouvait autrefois visuellement devant les rapports de formes et de couleurs. Contrairement aux autres artistes minimalistes, la "structure" de Sol LeWitt, souvent, ne se préoccupe pas de l'espace, elle ne le manipule pas ni ne compose avec lui, elle constitue plutôt la notion d'agencement comme choix esthétique. Bien que la réalisation matérielle des modèles théoriques de Sol LeWitt puisse apparaitre facultatif ou accessoire étant donné leur simplification géométrique, ils ne peuvent cependant se passer de leur traduction visuelle et de ce point de vue relève bien de la pratique "minimale" qui implique la confrontation à l'oeuvre matérielle. Mais le cube de Sol LeWitt est une forme géométrique la plus proche de son équivalent linguistique, il se situe moins dans la forme proprement dite que dans sa capacité, alors inexplorée par les artistes de cette tendance, à être une simple description verbale dénotée par cette forme et de ce point de vue là se rapproche considérablement de la problématique conceptuelle. "When an artist uses a multiple modular method he usually chooses a simple and readily available form. The form itself is of very limited importance : it becomes the grammar for the total work. In fact it is best that the basic unit be deliberately uninteresting so that it may more easily become an intrinsic part of the entire work. Using complex basic forms only disrupts the unity of the whole. Using a simple form repeatedly narrows the field of the work and concentrates the intensity to the arrangement of the form. This arrangement becomes the end while the form become the means." (extraits de "Paragraphs on Conceptual Art" Artforum vol.5 n°10, juin 1967). Sol LeWitt
(détail) En créant des dessins à réaliser directement sur le mur, Sol LeWitt propose une oeuvre qui est réellement bi-dimensionnelle et de ce point de vue, reste dans la logique de l'art minimal, mais il n'a jamais caché que le qualificatif "minimal" lui semblait en contradiction par son côté "primaire", avec l'élaboration mentale que nécessite l'oeuvre. C'est pourquoi dans le premier de ses "Paragraphs on Conceptual Art" (Artforum vol.5 n°10, juin 1967) Sol LeWitt dit "Je qualifierais le type d'art dans lequel je suis impliqué d'art conceptuel. Dans l'art conceptuel, l'idée ou le concept est l'aspect le plus important du travail. Quand un artiste utilise une forme conceptuelle d'art, cela signifie que tout est arrété et décidé préalablement et que l'exécution est une affaire de routine. L'idée devient une machine qui fait l'art. Ce type d'art n'est ni théorie ni illustration d'une théorie. Il est intuitif et lié à toutes sortes de processus mentaux; Il est d'une façon générale, indépendant de l'habileté de l'artiste et de son savoir-faire technique. L'artiste conceptuel a pour objectif de faire en sorte que son travail soit mentalement intéressant pour le spectateur. Il aimerait que son travail devienne émotionnellement neutre". C'est essentiellement le concept qui est au départ de l'oeuvre de Sol LeWitt, c'est lui qui prime puisque si le dessin mural est indispensable pour la présentation de l'oeuvre, il n'en demeure pas moins secondaire : "même un aveugle peut apprécier l'oeuvre, il suffit de la lui décrire" rajoute l'artiste. Sol LeWitt ne laisse pas fusionner conception et réalisation,
c'est pourquoi ses dessins muraux ont pour origine un certificat accompagné
d'un diagramme qui permettent à des assistants de les exécuter
dans le cadre d'une visualisation qui se veut essentiellement mentale.
Là, contrairement à ce qui se passe pour la réalisation
de ses "structures", l'artiste laisse quelques libertés
dans la réalisation de l'oeuvre. Il s'en explique en disant "Once
the idea of the piece is established in the artist's mind and the final
form is decided, the process is carried out blindly. There are many
side-effects that the artist cannot imagine. These may be used as ideas
for new works. The process is mechanical and should not be tampered
with. It should run its course". (extrait de "Sentences on
conceptual art", Art-language, vol 1 n°1, mai 1969) Cette délégation de pouvoir à ceux qui réalisent un "Wall Drawing" ne marque pas l'impersonnalité de l'oeuvre, elle lui donne au contraire son autonomie artistique puisque sa forme ne peut plus dépendre de la subjectivité de l'artiste. C'est dire que pour être déplacé, vendu par exemple, un "Wall Drawing" devra être refait et bien qu'il changera alors d'aspect, il restera toujours le même : seul son concept est vendu. "(Le "Wall Drawing" est une installation permanente même détruit. Quand quelque chose est fait (dans l'esprit) il ne peut être défait" dit Sol LeWitt en conclusion de ses phrases "On Wall drawings" (Arts Magazine, vol 44, n°6, avril 1970 p.45). Ce wall drawing n° 43 fait partie des premiers dessins où le hasard tient une grande place dans sa réalisation puisque son propriétaire peut facilement le réaliser lui-même avec ses propres initiatives. C'est aussi un des premiers dessins qui doit couvrir uniformément l'entière surface du mur.
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