(je n'ai rien à exposer et c'est ce que je suis en train de vous exposer)

   Au sujet de cette annonce publicitaire parue au début des années 80 et que j'ai rejouée fréquemment depuis, on a parlé de "nihilisme actif".

   D'abord et essentiellement, cette publicité est à appréhender dans l'esprit des "non anniversaires" de Alice aux pays des merveilles: ce n'est pas parce qu'il n'y a pas d'exposition que rien n'est exposé. Ce qui s'expose, c'est qu'en tant qu'agent d'art, je ne m'aligne sur les galeries et les musées qui s'obligent à présenter une nouvelle exposition tous les deux mois. C'est très laborieux, et surtout les événements vraiment importants en art ne sont pas si courants. Alors, quand rien de primordial ne se présente, on peut très bien afficher qu'il n'y a rien à montrer.

   Ensuite cette publicité correspond aussi au fait que si je n'expose rien et que je l'annonce à titre d'exposition, c'est parce que je pense qu'il est important de prendre conscience que nous ne sommes plus au temps des expositions d'objets finis que l'on viendrait choisir déja réalisés dans l'atelier de l'artiste pour les replacer tels quels dans la galerie, le musée, chez le collectionneur...

   Ce que je préconise, c'est d'abord une rencontre qui débouchera plus tard sur la réalisation et l'exposition d'une oeuvre (en d'autres termes si je n'expose rien aujourd'hui c'est parce que tout reste à faire demain; par exemple "l'éthique est l'esthétique de l'avenir" était annoncée comme étant une exposition d'oeuvres à définir - à réfléchir chacun chez soi).

   L'art tenant moins à la nature conventionnelle de ses produits qu'à la façon dont on l'inscrit dans des contextes architecturaux, sociaux ou idéologiques successifs, les artistes que je présente sont ceux qui prévoient l'actualisation de leurs oeuvres (avec ou sans eux) au cours du temps. Chaque exposition devenant ainsi une nouvelle création et cela à l'infini.

   Dans cette réalité plus vaste dont l'art dépend plus que jamais, je propose ainsi à titre d'exposition, des interventions qui investissent de nombreux réseaux où la création, dans une pratique multimédia et interactive, devient de plus en plus indissociable de l'histoire de notre société.

   Mais soyons tout à fait honnête, on pouvait aussi interpréter mon annonce comme une apologie de la paresse: moins j'ai à travailler, mieux je me porte. J'étais donc très content de présenter que je n'avais rien à exposer, rien à montrer, rien à organiser.

GMV, 1985