Ma collection au MAMCO

    Joseph Kosuth
    Titled (Art as Idea as Idea) Phe.nom.e.non
    blow up, 115 x 115 cm, 1967


    Joseph Kosuth
    Titled (Art as Idea as Idea) Specific
    blow up, 115 x 115 cm, 1967

    Dans "L'art après la philosophie" ("Art after philosophy", I et II, Studio International, octobre et novembre 1969, traduit dans artpress n°1 décembre-janvier 1973), Kosuth dit : Il est nécessaire de séparer l'esthétique de l'art parce que l'esthétique concerne des jugements sur la perception du monde en général. Autrefois, l'un des deux pôles de la fonction artistique était sa valeur décoratrice. La tranche de la philosophie qui traitait du "beau", et donc du goût, se trouvait inévitablement dans l'obligation de discuter aussi de l'art. De cette "habitude" naquit l'idée qu'il y avait un rapport conceptuel entre l'art et l'esthétique, ce qui est faux. Jusqu'à ces derniers temps, cette idée n'était jamais directement entrée en conflit avec les considérations artistiques, non seulement parce que les caractéristiques formelles de l'art perpétuaient cette erreur, mais aussi parce que les autres "fonctions" apparentes de l'art (peinture de thèmes religieux, portraits d'aristocrates, éléments d'architecture, etc.) usaient de l'art pour dissimuler l'art.

    Kosuth constate ainsi que la peinture est condamnée parce qu'elle est figée dans des considérations esthétiques (de couleurs et de formes) tout à fait étrangère à la définition de l'art qui est du domaine des idées. La fonction de l'art ne devant être qu'artistique, il développe sa réflexion auprès d'un art qui devient son propre objet de démonstration et considère sa pratique comme moyen de redéfinition continuelle de l'art par lui-même : ses propositions expriment et définissent l'art-même - ou les conséquences formelles découlant de sa définition - "art as idea as idea" (en référence à la formule de Ad Reinhardt : "l'art-en-tant-qu'art...").

    Plus loin il précise que les oeuvres sont des propositions analytiques qui n'ont pas valeur d'information en dehors du contexte art : "Les oeuvres d'art sont des propositions analytiques. C'est à dire que, si on les considère dans leur contexte - en tant qu'art - elles n'apportent aucune information sur des questions de faits. Une oeuvre d'art est une tautologie, en ce sens que c'est une présentation de l'artiste, autrement dit que celui-ci déclare que cette oeuvre d'art-ci est de l'art, c'est à dire une définition de l'art".

    Avec Kosuth l'art est ainsi une énonciation dont le prédicat ne dit rien de plus que le sujet et qui reste vraie en vertu de sa forme seule, quelque soit la valeur de vérité des énoncés qui la composent. Il entend par là qu'une proposition artistique (terme qu'il préfère au mot oeuvre) serait une vérification de l'art par lui-même, notion très proche de son maître à penser : Ludwig Wittgenstein pour qui "le tableau peut représenter chaque réalité dont il a la forme" et "le seul langage pourvu de sens est celui dont la forme logique reflète la structure des faits".

    Bien que le "blow up" (l'agrandissement photographique d'une définition de dictionnaire) soit très proche du tableau, le spectateur qui y est confronté est privé de toute représentation iconographique; de même les termes qui lui sont proposés ne suscitent chez lui aucune interprétation touchant à des objets finis. Aucun autre sens ne pouvant lui être attribué que la définition exposée, il est invité à rester au plus près de la réalité de ce qui est proposé et à analyser ce qui relient ou séparent la réalité et son concept c'est à dire qu'il est confronté aux rapports qui lient l'idée qui définit cette réalité, au langage qui véhicule son concept.

    Avec ces propositions nous avons affaire à un art dont la validité dépend seulement des définitions qu'il contient, Kosuth se défend d'intervenir en tant que sujet dans la communication qu'il a avec le spectateur et refoule toute subjectivité pour instaurer l'idée de la neutralité - de l'objectivité - de la dépersonnalisation. Il enlève ainsi, à l'objet artistique toute connotation qui aurait pu renvoyer à l'histoire du sujet artiste ou à une quelconque autre histoire; il cherche à démontrer que la fonction inhérente à l'art est de rester essentiellement pertinent par rapport à lui-même.

    Les définitions de dictionnaire de Kosuth traitent d'abord de l'abstraction d'une chose concrète : "Water" (1966) puis de l'abstraction d'une abstraction: "specific" (1967) ou d'une abstraction d'abstraction qui renvoie au vocabulaire artistique ou philosophique : "phenomenon" (1967).

    L'oeuvre "Specific", à travers ce qu'elle définit, me semble illustrer parfaitement les propos de l'art conceptuel. ("Specific" révèle en particulier le lien existant entre l'art conceptuel et l'art minimal à travers le "Specific object" de Judd - dont Kosuth dit qu'il l'a beaucoup influencé).

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