A la fin des années 60, Art & Language est constitué
d'artistes anglais et américains travaillant en équipe
pour le développement de l'art conceptuel
.
Leurs investigations autour d'une réflexion sur l'art et son
rôle dans le champ social, correspondent souvent à la mise
en pratique d'une analyse qui déporte l'art, de l'objet vers
le contexte dans lequel il émerge.
Les différents membres du groupe ont écrit
un nombre considérable de textes (entre autres dans la revue
Art-Language) qui se veulent l'écho des dialogues ayant inspiré
leurs travaux . Pour eux, l'idée d'une oeuvre et sa réalisation
sont interdépendantes : leurs débats (ce qu'ils appellent
leurs "conversations") passent ainsi au premier plan dans
leur production d'artistes.
Le thème de la cartographie est récurrent
dans les premières propositions de Terry Atkinson et Michael
Baldwin, à commencer par la "Map of itself" (carte
d'elle-même) :

Map of an area of dimension 12''x12'' indicating
2.304 1/4" squares
(Map of itself)
|
La carte d'une surface
de 12 inches par 12 inches indiquant 2.304 carrés de 1/4 inch
chacun, se décrit elle-même pour ce qu'elle est;
son sens naît de ce qu'elle révèle et met en équivalence
l'intention de l'artiste et la description de l'oeuvre qui ne font
plus qu'un. L'ensemble constitue un système clos où
le titre et la carte se réfèrent l'un à l'autre
pour créer une auto-définition chère à
l'art conceptuel. |
La carte pour ne pas indiquer le Canada,
la James Bay, l'Ontario... indique tout sauf ce qu'elle n'indique
pas; elle exclut donc les informations que l'on serait en droit
d'attendre d'une carte de géographie à savoir les rapports
entre les lieux; elle joue l'écart entre ce qu'elle énonce
et ce qu'elle donne à voir : en conséquences, elle n'a
plus aucune fonction en tant que carte informative.
|

Map to not indicate: Canada, James Bay...
|
Ces deux cartes ont pour principe de fournir des informations
qui sont parfaitement exactes et irréfutables dans la mesure
où elles ne renvoient qu'à elles-mêmes et comme
elles ne représentent pas des réalités qui leurs
seraient extérieures, il est clair qu'elles ne peuvent être
qu'un prétexte à exposer une recherche théorique
du système représentatif.
Avec l'oeuvre A question of dialectical
materialism? qui se présente sous une forme énigmatique
de mots successifs, le lecteur n'a pas d'autre choix que de se concentrer
intensément sur l'oeuvre. A cause de la difficulté qu'il
éprouve alors à percevoir son sens, il ne peut en faire
une interprétation au delà d'elle-même et se trouve
privé non seulement de toute rêverie romantique, mais
aussi de toute possibilité de se référer à
une idéologie artistique dominante (comme cela avait pu être
le cas avec l'emprise de Greenberg dans les années 60). En
fait les artistes avouent que le terme "SURF" est sans signification
comme la suite des mots que l'on cherche à relier entre eux.
"This work suggests that meaningfulness is signification"
nous explique Michael Baldwin. Pour lui, le spectateur doit choisir
sa propre lecture, il devient partie prenante de l'oeuvre et se place,
par l'effort qu'il s'impose, dans un rapport d'équivalence
avec l'artiste. |

A question of dialectical materialism
|
En analysant les codes de représentation du
monde réel (ici géographique et linguistique) ces artistes
mettent en évidence le mécanisme de la perception en général
et nous font prendre conscience que nous communiquons à travers
des codes multiples qui s'entrecroisent pour témoigner de ce
que nous croyons être une réalité. En fait l'objectivité
de notre regard n'est qu'une illusion idéologique, et notre perception
loin d'être neutre est au contraire codée socialement.
Le propos de ces artistes consiste donc à démasquer les
aberrations perverses de nos codes dans leur fonction de représentation.
Art
& Language a été fondé en 1968 par Terry Atkinson
, Michael Baldwin, David Bainbridge et Harold Hurrell. Jusqu'à
trente personnalités (dont Joseph Kosuth, Ian Burn et Mel Ramsden
à partir de 1969) se regroupèrent sous cette dénomination;
aujourd'hui, seuls Michael Baldwin, Mel Ramsden et Charles Harrison
restent des membres actifs du groupe.
Dans
le titre Map to not indicate : Canada, James bay, Ontario... il y a
ce que les Anglais appellent un "split infinitive" c'est à
dire un modificateur intercalé entre le verbe et "to"
(particule signalant la forme infinitive). La forme normale serait "Map
to not indicate". Ici en revanche, "not" devient partie
intégrante du verbe qui devient "to not indicate" et
cette formule verbale est là pour indiquer que cette carte obéit
à un paradoxe : elle ne doit pas figurer, elle doit dissimuler.
GMV, 1996
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